Extrait n°1

 
Une clameur intense retentit et le mouvement de foule qui l’accompagna fut d’une rare violence. Dans une explosion de lumière, la musique envahit la scène et se répandit comme une onde atomique…
… Et il était là, entièrement vêtu de noir, apparu de nulle part au milieu de la fumée colorée, dominant de toute son arrogance la masse sombre qui s’étendait devant lui.
 
Les Black Rainbow commencèrent par un de leur ancien tube qui déchaînait toujours autant le public.
Jack laissa glisser sa cape sur le sol puis commença à chanter et à danser – comme lui seul savait le faire –, sur le rythme rapide de la musique.
Il ne tenait pas en place, l’énergie l’habitait. Porté par les hurlements de la foule, il avait déjà parcouru la scène dans tous les sens lorsqu’il s’approcha du guitariste. Dans le même micro, ils unirent leurs voix, leurs bouches se touchant presque, puis il repartit en courant vers les autres musiciens.
« Jack ! Jack ! Jack… » scandait la foule en délire.
Lucie n’avait d’yeux que pour lui. En une fraction de seconde, elle avait tout oublié : sa contrariété, sa soif, sa fatigue.
Elle aussi, débordait d’énergie. Il était son essence vitale, elle se nourrissait de lui.
L'adolescente pensa : « C’est le même vent qui passe dans nos cheveux, il respire le même air que moi, il regarde ce que j’ai vu. Il est enfin là ! »


Extrait n°2
 
  Lucie, paralysée par la peur pensa qu’elle allait se faire dévorer toute crue comme la petite chèvre de Monsieur Seguin.
  Cette vision la fit réagir, elle n’allait pas mourir sans se défendre ! D’un bond, elle se retrouva de l’autre côté de la table.
Luigi s’avança.
  - N’approchez pas, je vais crier ! dit-elle d’une voix chevrotante.
  - Tu peux gueuler tant que tu veux ! Personne viendra. Zorro, il habite pas ici !
  Lucie recula encore, butta contre le canapé. Ce fut le moment que l’homme choisit pour faire le tour de la table et se précipiter vers elle.
  Elle ne sut comment la bouteille de whisky qui était sur le canapé s’était retrouvée dans sa main mais lorsque Luigi se jeta sur elle, son bras remonta tout seul et violemment, l’atteignit entre les jambes.   L’homme poussa un cri rauque et tomba à genoux.
  Lucie en profita pour contourner rapidement la table avec la peur qu’il l’attrape par une cheville comme dans les films d'horreur qu'elle allait voir au cinéma avec Victoire.
  Une fois dans le vestibule, elle se sentit hors d’atteinte. Elle dévala l'escalier au risque de se rompre le cou. En une fraction de seconde, la jeune fille traversa la cour puis se retourna le cœur battant.
  Penché à la fenêtre de la cuisine, Luigi l'apostrophait en braillant : « Eh ! Sale pute, te barre pas avec le whisky ! »
  Sa voix de détraqué se transforma en un hurlement rageur lorsque Lucie lâcha la bouteille qui se brisa sur les dalles du porche. Le liquide doré s’infiltra entre les joints usés.
  « T’inquiète pas, on se reverra et alors tu feras pas ta Sainte Nitouche. Je m’occuperai bien de toi ! »
 


Extrait n°3
 
 Il était maintenant minuit. Lucie s’allongea sur son lit, ferma les yeux. Le mélange d’odeurs dans sa chambre lui avaient donné la nausée pourtant elle commença à respirer profondément, à se concentrer sur son corps, à essayer une dernière fois d’envoyer vers Jack un signe immatériel lui prouvant qu’elle existait…
 En vain…
 
  Une demi-heure plus tard, elle rouvrit les yeux, se leva :
  « Je sais ce qu’il me reste à faire ! »
  Lucie tendit la main vers le tiroir de sa table de chevet mais avant qu’elle ne l’ouvre, son regard fut attiré par un voile légèrement coloré dans le centre du miroir. La forme s'arrondissait lentement en demi-cercle, changeant de dimension, passant du bleu ciel au rose pâle dans une gracieuse palette arc-en-ciel.
  « Je t’ai déjà vu, toi, dans mon miroir ! »
  Lucie se rendit compte que ses paroles faisaient trembler les contours et les couleurs de la chose.
  Elle sourit puis à mi-voix commença à fredonner « Baby ». Les douces couleurs pastel de la forme semblèrent s’accentuer et s’ordonner.
  Toujours en chantonnant, la jeune fille se plaça juste en face du miroir. Elle entendit un chuchotement, tendit l’oreille mais n’eut pas le temps de comprendre : L’arc-en-ciel venait de la happer, elle avait disparu de sa chambre, tout devint noir…


Extrait n°4
 
  Soudain, en une fraction de seconde, elle comprit ce qu’elle n’avait pas vu ce matin ou plutôt qui elle n’avait pas remarqué. Elle se retourna et regarda dans la rangée de droite, quelques tables derrière elle.
  Il était là, penché sur son cahier ouvert et mâchouillait un stylo. Il dut sentir l’insistance du regard qu’elle posait sur lui et releva la tête. Leurs regards se croisèrent. Alors, Lucie lui sourit d’une façon si merveilleuse qu’il en fut profondément troublé.
  Juste à ce moment, il se passa quelque chose de magique : La salle de classe s’illumina d’une lumière presque divine.
  Jean-Paul éberlué et inquiet la quitta des yeux pour regarder autour de lui, mais personne n’avait rien remarqué. Lucie le regarda encore quelques secondes avant de se retourner. Elle souriait toujours.
  Elle venait de comprendre qu’elle devait lui sauver la vie.


 



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