KATHY FALGUERA        
 
 
 















EXTRAITS





De nos jours – Retour – Premiers souvenirs

 

Je ne sais trop pourquoi, à presque quarante ans, j’ai décidé de revenir habiter à Narbonne. Peut-être tout simplement afin de retrouver l’ambiance de ma jeunesse et le décor de ces jours heureux.

J’adore cette ville, ni trop grande, ni trop petite, avec juste ce qu’il faut de verdure, de boutiques et de monuments à visiter. Nice était bien aussi mais ce n’était pas chez moi, même si j’y avais passé une bonne partie de ma vie.

Narbonne était aussi la ville de mon premier amour. Un amour adolescent.

Je pensais à Jérémie. Peut-être était-il marié avec des enfants; des garçons que je voyais aussi beaux que lui. Peut-être était-il divorcé comme moi ou tout simplement célibataire. Oui c’est cela, il était certainement célibataire, car orgueilleusement, et même après tout ce temps, je ne pouvais l’imaginer vivre avec une autre femme. Des aventures d’accord mais rien de bien sérieux.

J’avais cherché régulièrement, même lorsque j’étais mariée, si Jérémie avait un profil Facebook, je n’avais rien trouvé. Peut-être avait-il un pseudo particulier. J’en avais bien un moi !

Dans tous les cas, s’il habitait toujours Narbonne, nous pourrions tomber l’un sur l’autre par hasard…

  

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Nice – Samedi 23 juillet 2005

 

 

Mon mari a toujours été très gentil, très attentionné. Il a changé du tout au tout le jour de mon anniversaire, celui de mes vingt-cinq ans. Cette année, le vingt-trois juillet tombait un samedi, il m’avait promis de quitter son chantier assez tôt pour que nous puissions profiter de la fin d’après-midi. Nous n’avions pas réservé dans un restaurant car avec tous les touristes, je n’avais pas envie d’attendre une éternité entre deux plats. Nous avions prévu d’aller pique-niquer dans l’arrière-pays, d’assister au coucher de soleil puis de rester à regarder les étoiles aussi longtemps que nous en aurions envie. Le dîner champêtre attendait au frigo et le plaid à carreaux (cadeau vintage de ma mère) était déjà dans ma voiture.

 

Ce jour-là donc, j’ai passé le tout début d’après-midi à la plage. Lorsque la horde sauvage a entièrement recouvert les galets et que c’est devenu intenable, je suis rentrée me doucher. Comme il faisait très beau, je n’ai pas eu envie de rester à l’appartement, je suis partie me promener dans le vieux Nice. Sylvain devait m’appeler dès qu’il quitterait son chantier afin de nous retrouver chez nous avant de repartir ensemble. Je n’ai pas vu le temps passer et lorsque je l’ai appelé, il était dix-huit heures. Il n’a pas répondu mais a rappelé presque tout de suite. Il m’a dit qu’il avait la fourgonnette en panne et m’a demandé si je pouvais venir le chercher. Il avait une voix que je n’ai pas reconnue et je me suis beaucoup inquiétée en y allant. Son chantier était situé à la périphérie de Nice, avec la circulation il m’a fallu une bonne demi-heure pour y arriver. Sylvain m’attendait appuyé contre la portière arrière de sa camionnette blanche, sur le moment j’ai cru qu’il avait eu un accident au travail, qu’il s’était fait mal. Qu’il m’avait menti pour ne pas m’effrayer. Il était livide !

 

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Narbonne de nos jours
 

J’ai sonné chez Julia la gorge serrée. Les révélations à propos de ma mère se feraient certainement en fin de soirée, j’avais le temps de ronger mon frein. Des sentiments et des sensations contradictoires se bousculaient en moi, je me demandais avec crainte lequel de ces états allait prendre le dessus.

Julia a ouvert. À ma vue, elle a eu un sifflement qui se voulait admiratif.

« Yo ma sœur t’es une vraie kaïra avec ton sweat à capuche ! »

J’ai explosé de rire, mon angoisse était partie, j’allais passer une soirée agréable. J’en étais sûre à présent.

Hugo n’était pas encore arrivé. Julia lui avait dit de venir vers vingt et une heures, elle savait que j’attendais ses explications avec impatience.

« Allez on va dans le confessionnal », m’a-t-elle dit en me poussant vers sa chambre sans me laisser le temps de dire bonsoir à Max.

Je me suis assise sur le bord du lit, bien droite, comme une écolière sage espérant une bonne note. Julia s’est posée à côté de moi.

— Allez, vas-y, demande !

Ma nervosité était revenue. Je redoutais ce qu’elle allait me révéler, et encore plus la réaction que je pourrais avoir. J’ai bien mis une minute entière pour réfléchir à la manière la plus soft de lui poser ma question, mais ça a foiré.

— J’ai l’impression… Non, je suis sûrePourquoi… Putain Julia ! Elle t’a payée ma mère pour que tu tentes de nous faire réconcilier ?

 

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Jeudi 21 décembre 1995
 

 

— T’es sûr que tu ne veux pas qu’on se pose direct au Mac Do ? Ça caille !

J’ai accentué ma proposition en rabattant sur ma tête la capuche fourrée de mon blouson matelassé. Jérémie m’a fait ses yeux de chien battu et j’ai eu envie de me jeter sur lui pour l’embrasser. Ce regard-là me rendait folle.

— Si je laisse la mob à l’entrée des Barques, on n’a que le marché à traverser pour y arriver.

— Et pour quelle raison cette soudaine envie de traverser le marché ?

Il n’a pas répondu à la question, mais a pris ma main. Nous avons commencé à déambuler dans les allées entre les stands de vêtements, de chaussures, ceux dédiés à la musique où se côtoyaient véritables CD ou VHS et leurs copies… D’autres étals proposaient tout un bazar de choses en plastique certainement indispensables puisqu’un troupeau de manteaux colorés s’y bousculaient tout autour.

Je laissais traîner mes doigts gantés sur ce qui m’attirait ou m’étonnait : écharpes moelleuses et bariolées, grosses pantoufles à tête d’animal, coucouche molletonné pour toutou à sa mémère…

Nous étions presque arrivés en bout d’allée, lorsque Jérémie s’est arrêté, stoppant net mon élan vers le Big Mac et ses frites bien grasses.

— Ça te plaît ce machin-là Sarah ?

Nos mains s’étaient séparées, je me suis approchée de l’étal de bijoux près duquel il se tenait. Il m’a montré un petit collier qui faisait très hippie, très seventies comme nous a dit le marchand. Je l’ai trouvé magnifique : des perles rondes et translucides avec des couleurs pastel bleues, vertes, mauves, jaunes, roses…

— Waow ! C’est le plus beau collier que j’ai jamais vu ! J’étais sincère.

Il l’a payé et sans vouloir le faire emballer… me l’a tendu.

 
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Narbonne de nos jours
 

Je me suis levée très tôt, il faisait encore nuit noire. Je n’avais fait aucun rêve. Rien. Néant total. En remontant le couloir, je suis passée devant la chambre de Pauline. La porte était ouverte sur un lit vide. Pendant une fraction de seconde mon cœur s’est serré puis j’ai entendu du bruit dans la salle de bain. Elle aussi était matinale mais pour une raison bien plus agréable que la mienne.

Après un petit-déjeuner commun, nous avons regagné nos chambres pour finir de nous préparer. Lorsque vers dix heures, la mère de So-So a klaxonné en bas de l’appartement, Pauline s’est précipitée traînant derrière elle un gros sac de sport avec au moins une semaine de rechange. Je suis sortie sur le petit balcon du salon. Pendant que la mère de Sophie ou Sonia (pas moyen de m’en rappeler), chargeait les affaires de ma fille dans le coffre, je l’ai appelée. C’était une petite femme joviale qui devait aimer être entourée d’enfants, j’ai supposé que So-So n’était pas fille unique comme ma Pauline. Je l’ai remerciée. Elle m’a dit de ne pas m’inquiéter pour bien profiter de mon week-end.

Mon Dieu, si elle avait su !



 


 




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